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13 mai 2023

Adèle et la pacotilleuse de Raphaël Confiant

Adèle et la pacotilleuse de Raphaël Confiant

Quatrième de couverture

Adèle, fille cadette de Victor Hugo, s'est enfuie en Amérique à la recherche de son amant, l'officier anglais Albert Pinson. D'Halifax, au Canada, à la Barbade, dans l'archipel des Antilles, Adèle poursuit un homme qui n'existe peut-être pas... Son esprit est dérangé et elle erre sur les quais de Bridgetown, capitale de la Barbade, lorsqu'elle est recueillie par Céline Alvarez Bàà, sauvée in extremis d'une déchéance absolue. Céline, solide Négresse, est une pacotilleuse qui parcourt les îles et la terre ferme, de Saint-Domingue à Carthagène des Indes, de Cayenne à La Havane, munie de lourds paniers caraïbes où s'entassent colifichets, miroirs, bibles, remèdes, tissus chatoyants et farine de manioc. Se prenant d'affection pour Adèle, elle décide de l'emmener à Saint-Pierre de la Martinique, le «petit Paris du Nouveau Monde», puis de la raccompagner en France chez son illustre père... Comment cette Négresse habituée aux coups de vent de la vie, descendante de conquistadors, de flibustiers et d'esclaves africains sera-t-elle accueillie par l'auteur des Misérables ? Comment la fragile Adèle aura-t-elle vécu ce passage aux Antilles et supportera-t-elle son retour au bercail ?
Raphaël Confiant dresse deux beaux portraits de femmes et nous révèle, dans une langue riche des sonorités de toutes les langues parlées aux Antilles ( français, créole, anglais, espagnol, hollandais, etc.), une des facettes, insoupçonnée, du choc entre l'Ancien et le Nouveau Monde...

Les personnages

Céline Alvarez Bàà est une pacotilleuse de métier, son coeur n'appartient à personne, elle le prête à ses amants le temps d'une escale. Elle ne s'attache pas ni à une terre ni à un homme. C'est une femme courageuse, un potomitant, qui accepte les aléas de la vie comme ils viennent. Elle est généreuse et fidèle envers ses fournisseurs et ses clients. Elle vogue d'île en île pour récupérer des marchandises et les vendre ailleurs. Elle est amoureuse de la poésie et peut s'exprimer en plusieurs langues. 

Adèle Hugo suit celui dont elle est tombé amoureux de l'autre côté de l'Atlantique mais les promesses d'Albert Pinson ne sont pas sérieuses. Il voulait profiter de la jeune femme. Elle croit dur comme fer en l'amour de cet homme qui ne lui avait prouvé qu'en mot et était parti pour ne plus lui donner de nouvelles ensuite. L'ombre d'Albert pèse sur son esprit et le fait succomber de plus en plus dans la folie. Avec Adèle, on découvre les horreurs des instituts de santé mental. 

 

Mon avis:

L'histoire d'Adèle est intéressante mais celle de la pacotilleuse, Céline, l'est encore plus. C'est ironique qu'elle ne soit pas nommée dans le titre alors qu'elle a un rôle prépondérant. Elle est fille de pacotilleuse. Elle a des amants à chaque port. Cette femme forte ne subit pas les aléas de la vie, elle les accepte et passe outre. Elle ne se laisse pas bloquée par la mauvaise fortune. Céline ne s'attache pas réellement à un homme et quand elle le fait, cela tourne à la catastrophe. Elle surprend beaucoup les gens avec son altruisme, son intelligence et sa générosité. 

Elle adopte Adèle qui sombre dans la folie un peu plus. Cette dernière avait un terrain propice après la mort tragique de 4 membres de sa famille dont elle ne se remettra pas. Avec toute cette fragilité, elle tombe amoureuse d'Albert Pinson et se perd elle-même. Elle est un peu sauvée par Céline mais cela ne dure pas. 

Céline attise le désir chez les hommes qui ne voient que son côté exotique et sexuelle alors qu'elle ne se sexualise pas. Elle subit l'un des stéréotypes sur la sexualité des femmes noires. D'ailleurs, l'homme blanc qu'est Victor Hugo ne la traite pas comme une femme. Il ne voit pas sa fragilité. Elle doit le surprendre par son intelligence pour avoir, enfin, le droit d'être considérée autrement que comme un corps avec lequel il peut assouvir ses fantasmes. Sa brutalité n'est pas étrangère à la manière de considérer les négresses. 

La pacotilleuse revêt l'habit de la femme noire sauveuse de ceux qui sont plus opprimés qu'elle. Elle se sent irrésistiblement attirée par cette pauvre jeune femme qui a tout de même un père célèbre qui avait largement les moyens de la retrouver. A tout moment, Céline reçoit le mépris des hommes qu'elle côtoie de près ou de loin. Adèle bénéficie de l'aura de la femme blanche, la fragilité, l'intelligence supérieure. Le mépris qu'elle reçoit est dans la folie.

Tout est ségrégatif dans la manière de traiter les femmes blanches et les femmes noires. Adèle et Céline nous montrent bien les différences de traitement. De première abord, Céline fait preuve de beaucoup plus d'intelligence qu'Adèle mais on ne la considère pas. 

Le passage dans l'hôpital psychiatrique de Saint-Pierre est terrifiant. Les personnes folles ne sont pas traitées comme des humains et on leur fait subir des sévices qui empirent leur état. 

Derrière chaque grand homme, il y a une ou plusieurs femmes malheureuses dans leur sillage. On leur excuse bien des choses sous prétexte qu'ils sont capables de créer de belles choses. Hugo n'est pas l'exception. Ses victimes sont aussi des femmes. La maitresse qui lui a été d'une grande fidélité ne sera jamais récompensée, elle sera même méprisée vers la fin. Il se jette sur ses bonnes. Il n'a aucun respect. Cela nous montre bien que l'être humain est complexe, il peut être génial dans certaine domaine et être dépourvu de qualités émotionnels. 

J'ai bien aimé cette histoire et le personne de Céline, vous l'aurez compris est mon préféré. 

Allez la découvrir. Bonne lecture à toutes et tous. 

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