Afrofuturisme l'avenir change de visage

Anthologie des Imaginales 2022 dirigée par Stéphanie Nicot

Qu'est-ce que l'afrofuturisme?

Le terme "afrofuturisme" a été utilisé par un auteur américain Mark Dery en 1993. C'est un mouvement artistique crée par les afro-américains qui existait bien avant cette date. Il serait né dans la deuxième partie du XXème siècle même si certains pensent qu'il remonte à bien avant. C'était une manière de se placer dans les discussions sur l'art, les sciences, les changements sociaux et d'en être à la fois acteur et sujet. A travers différents supports, les afros-américains voulaient se réapproprier leur passé et envisager leur futur. L'afrofuturisme caribéen se développe dans la première partie du XXIème siècle.
L'afrofuturisme des auteurices du continent africain a un ancrage culturel et traditionnel très marqués et a plus tendance à s'émanciper du regard occidental.

La préface

Cette préface présente le but de cette anthologie. Elle a un ton assez particulier. De nombreux débats ont eu lieu notamment sur Twitter concernant cette anthologie et les auteurs, les autrices et les auteurices qui y ont participé. Ici, j'ai eu l'impression qu'il s'agissait de se dédouaner du fait d'avoir comblé avec des auteurices non afro-descendant.e.s pour une anthologie afrofuturiste. Il est évident que des auteurices non afro-descendant.e.s peuvent écrire de la SFF avec des personnages afrodescendants mais on ne pourra pas appeler cela de l'afrofuturisme, c'est un mouvement particulier créer par des afrodescendant.e.s et citer des autrices afrodescendantes qui pensent que des auteurices non-afrodescendant.e.s peuvent écrire de l'afrofuturisme ne changera pas mon propos. Au contraire si on a besoin à tout prix de montrer sa légitimité, c'est que quelque part, on sait qu'on ne l'est pas.

Soif de Sang de Rivers Solomon, traduction de Francis Guévremont

TW: meurtre, accouchement, suicide

Plus besoin de présenter Rivers Solomon un.e écrivain.e connu.e pour ces romans afrofuturistes et pourtant, je vais encore apporter une précision déjà connue: Rivers Solomon est une personne non-binaire. Iel a été mégenré.e dans la bio de l'anthologie.
Dans cette nouvelle, nous retrouvons Sully une adolescente de 15 ans qui est l'esclave dans une petite ferme où elle vivait avec sa maitresse, ses deux filles adultes et la sœur de celle-ci, les hommes étant partis à la guerre. Durant la nuit, elle décida de se débarrasser d'elles. Sa colère franchit le monde des morts et à chaque vie prise, Sully donnait naissance à un esprit adulte perdu dans les limbes.
Il y a une ambiguïté sur ses sentiments envers sa "première-née" qui soulève pas mal de questions. Est-ce qu'elle peut développer des sentiments amoureux envers quelqu'un qu'elle a accouché même si elles n'ont en réalité aucun lien de parenté? Cette nouvelle relève du réalisme magique qui très utilisé dans l'afrofuturisme. J'ai bien aimé cette nouvelle, elle donne un goût de pas assez, j'aimerais savoir ce qui va arriver à Sully et ses enfants pourtant l'esclavage est un thème que je n'ai plus envie de lire.

Léopard cha- cha de Sara Doke

Tw colonisation, racisme
L'autrice Sara Doke a choisi pour sa nouvelle de faire écrire Patrice Emery Lumumba à Pauline sur son ressenti vis-à-vis du traitement des Congolais par les Belges.
Cette nouvelle ne relève pas de l'afrofuturisme.
Je ne comprends pas le besoin de rendre Patrice Lumumba plus violent qu'il ne l'était. Pourquoi créer une histoire de kidnapping? Pourquoi dire qu'il n'est plus un mouton mais qu'il est devenu un loup? Aurait-il dû être plus violent? C'est étrange de définir la lutte d'autres personnes et de laisser sous-entendre qu'elles n'étaient pas assez virulentes, pas assez extrêmes. Cela m'a fait un drôle d'effet comme si on dénigrait sa lutte. Quand j'ai lu cette nouvelle, la Belgique venait à peine de rendre la dent de Patrice Lumumba au Congo.
Je n'ai pas aimé cette nouvelle par son ton. Elle avait un côté assez paternaliste concernant la gestion d'une lutte. Patrice Lumumba ne peut en aucun cas être qualifié de mouton.

Patrice Lumumba - Wikipédia

Patrice Lumumba (né le à Onalua, Congo belge, et mort assassiné le près d' Élisabethville au Katanga) est un homme d'État congolais, premier Premier ministre de la République démocratique du Congo ( République du Congo de 1960 à 1964) de juin à septembre 1960.

http://wikipedia.org

Demande de prolongation de contrat de travail à bord du Clarity de Sofia Samatar, traduction de Patrick Deschesne

TW racisme
Cette nouvelle est une lettre d'une femme noire américaine de 41 ans qui demande une prolongation de son contrat de travail à bord du Clarity, comme l'indique son long titre. Elle écrit un certain X. Cette lettre fait plus office de journal intime que de lettre adressée à un officiel.
Elle y raconte sa visite du continent africain, ses réussites, les attentes de ses parents.
Il y a un passage particulier avec son professeur anthropologue qui lui dit " qu'il y a beaucoup de choses que les Africains eux-mêmes ne connaissent de leurs cultures que parce qu'ils les ont lues dans les livres" et évidemment ce professeur est allé en Afrique. C'est assez osé de dire que des personnes ne connaissent pas leurs cultures quand ils ont été maltraités pour avoir pratiqué leurs cultures.
On a aussi des phrases parsemées par-ci, par-là l'ascendance royale des personnes noires qui ont été volées de leur héritage par les Blancs. Pourquoi?
Cette nouvelle ne correspond pas du tout à ce que j'attends de l'afrofuturisme, mettre des personnages noirs dans l'espace ne suffit pas à un texte pour être qualifié d'afrofuturisme.

Miss Washington de Richard Canal

TW agression par le KKK, meurtre
Dans sa biographie, Richard Canal est considéré comme l'un des pionniers de l'afrofuturisme en France. Un non-afrodescendant pionnier de l'afrofuturisme, non, l'afrofuturisme n'est pas de la SFFF avec des protagonistes noirs, se déroulant en Afrique, ou dans l'espace, c'est un mouvement artistique de réapproriation de sa narration par des afro-américains, des afro-caribéens et des afrodescendants.

Dans cette nouvelle, on suit une jeune afro-américaine, Shirley dans sa psychothérapie. Elle a été choisie par Oluwakemi Ugochukwu pour les travaux qu'elle mène.

On apprend au fur-et-à-mesure de la nouvelle la raison de sa thérapie.

Ici, l'Amérique a sombré dans une violence sans nom, une violence venue de son terrible passé et qu'elle a fait ressurgir. Le Ku Klux Klan est plus fort que jamais. Le continent africain est séparé en 5 grandes confédérations: CEAO pour l'Ouest (Confédération des Etats de l'Afrique de l'Ouest), la CEAE pour l'Est, la CEAC pour le centre, la CEAS pour le Sud et la CIM pour la Confédération Islamo-Maghrébine "qui recouvrait les anciens Etats du Nord, de la Mauritanie à l'Egypte".
Les 4 confédérations hors CIM ont des frontières assez poreuses.

Je remarque qu'elles demeurent assez isolées du reste du monde, bien que devenues prospères. Elles vont chercher les migrants dont elles ont besoin dans les autres pays, les sélectionner en fonction de ce qu'ils peuvent apporter aux confédérations.
C'est assez étrange d'imaginer un ressentiment des personnes habitants ces Confédérations envers les Afro-Américains. Ce n'est pas comme si les Afro-Américains avaient des grands pouvoirs décisionnels . Ils sont souvent les victimes d'un système très injuste et dangereux. Ce n'est pas pour rien que le mouvement Black Lives Matters, les différentes luttes des Black Panthers, de Martin Luther King, de Claudette Colvin... ont été/ sont encore d'actualité.

Je trouve que le monde du futur ressemble fortement à notre monde actuel, seulement les rapports de force sont simplement inversés. Je ne suis pas très friande des oppressions inversées. Je n'ai pas l'impression que l'avenir change réellement de visage. On reprend les mêmes pots en changeant les couleurs.
Si le lieu n'était pas mentionné, on aurait pu ce croire n'importe où. L'Afrique est devenu un endroit générique sans trop de saveurs.
Cette nouvelle ne m'a pas marquée outre-mesure.

Itinérante d'une migrante martienne de Raphaël Granier de Cassagnac.

Dans cette nouvelle, on suit les aventures de Marion qui a eu la chance d'être tirée au sort pour le programme d'immigration aléatoire sur la planète Mars. Elle reçoit l'e-mail écrit par le comité martien panafricain.

Définition du panafricanisme selon Wikipédia "Le panafricanisme est un mouvement et une idéologie politique qui promeut l'indépendance totale du continent africain et encourage la pratique de la solidarité entre les Africains et les personnes d'ascendance africaine, où qu'ils soient dans le monde, indépendamment de leurs origines ethniques, leurs appartenances religieuses, ou leurs apparences physiques" et la page complète pour celles et ceux qui voudraient en savoir davantage:

Panafricanisme - Wikipédia

Le panafricanisme est un mouvement et une idéologie politique qui promeut l' indépendance totale du continent africain et encourage la pratique de la solidarité entre les Africains et les personnes d'ascendance africaine, où qu'ils soient dans le monde, indépendamment de leurs origines ethniques, leurs appartenances religieuses, ou leurs apparences physiques Le panafricanisme est à la fois une vision sociale, économique, culturelle et politique d'émancipation des Africains et un mouvement qui vise à unifier les Africains du continent et de la diaspora africaine en une communauté africaine mondiale.

http://wikipedia.org

Pour Marion, c'est une chance de quitter sa vie difficile dans le Grand Paris et d'offrir une vie meilleure à ses deux enfants Malcom et Trinity. Cela ne se fera pas sans encombre des personnes malintentionnées convoitent une place pour Mars et disposent de moyens élaborées pour prendre l'apparence de la personne choisie. On apprend que le continent Africain est devenu les Etats-Fédérés d'Afrique pendant que les pays du Nord "se livraient à des guerres économiques puis militaires".
C'est intéressant de constater que Marion trouve le discours d'accueil sur la réussite des Etats-Fédérés d'Afrique et la perdition des pays du Nord, " un peu condescendante dans la mouvance rétronationaliste".
Le stéréotype dont sont victimes les Français est qu'ils ne sont plus bons qu'à la gastronomie. On inverse de nouveau les rapports de force et on fait en sorte que les nouveaux dominants aient la même attitude condescendante, oppressante que les anciens dominants.
Marion est prise dans un triangle amoureux avec une femme Peace et un homme Ezekiel qui est ravi de servir de figure paternelle à Malcom et (SPOILER), lui au moins, il n'oublie pas les 10 ans du jeune garçon.

(SPOILER) Quand Marion arrive, enfin, à destination, on y apprend le fonctionnement de la colonie martienne. Force est de constater que la violence terrienne s'est déplacée sur Mars, Marion se faire agresser par un homme qui avait envie de "viabilisé" une femme blanche contre de l'argent. Marion est stupéfaite car la liberté sexuelle martienne était censé avoir comblé les besoins donc abolir la prostitution. J'ai vraiment soufflé en lisant ce passage mais mon exaspération n'allait pas partir de si tôt. Trinity n'osant pas parler sexualité avec sa mère a préféré en parler avec "l'Africaine" qui a ensuite servie de proxénète pour la jeune fille. C'est particulier de se dire qu'elle va demander des conseils sexuels à la compagne de sa mère qu'elle ne connait pas depuis si longtemps.
D'autant plus qu'on fait le parallèle avec les stéréotypes qui ont encore cours aujourd'hui sur la sexualité des femmes noires opposée à celle des femmes blanches. L'une sera considéré comme chaude, ouverte, exotique dès le plus jeune âge et l'autre plusinnocente, plus pure, plus traditionnelle.
Il arrive encore d'autres mésaventures à Marion qui, décidemment ne peut pas mener une vie tranquille.

Les langues parlées sont afrançais et l'afrenglish. Si l'union des Etats Fédérés d'Afrique a des comités panafricanistes en sont sein, jamais ils ne parleraient des langues portant des stigmates de la colonisation, ils mettraient en valeur les langues du continent ou des afrodescendants. Cela donne un côté ridicule aux paroles d'Ezekiel. On dirait qu'il est coincé dans ce rôle stéréotypé de l'homme noir jovial et heureux et son langage renforce cela. Marion déplore, évidemment, ne parler ni l'une ni l'autre des langues.

Autre point qui m'a titillée, les noms, nous avons une navette qui s'appelle le Funkadelic (Alors les Afrodescendants, vous aimez la danse!!!), la fusée Marabout-9 (vraiment Marabout...)

Revenons sur le cadeau que reçoit Malcom. Ezekiel "cadonne" un gri-gri que son "mo-ké" lui avait donné. Est-ce qu'un garçon de 10 ans qui a grandi dans le Grand-Paris a envie de recevoir un gri-gri, offre à l'enfant un jouet non? De plus si tu crois à la puissance d'un gri-gri, tu ne l'offriras à personne, "de peur qu'elle te vole ta chance".

Cette nouvelle m'a laissée perplexe, il y a pleins de clichés (plus facile de les voir quand on les a vécus), le langage, les noms, les situations que vit Marion qui m'ont sortie de ma lecture. Et, je n'aime pas cette idée sous-jacente qu'un migrant (qui espère vivre une vie meilleure et sait qu'il ne l'aura pas dans son pays) doit être utile, prouver sa place. Dans cette nouvelle aussi, le rôle d'oppresseur/ oppressé est inversé. Je ne l'avais pas dit pour la nouvelle précédente mais l'élévation des Confédération d'Afrique et des Etats-Fédérés d'Afrique ne se produit que quand les pays du Nord sont dans le déclin.

Le Nombril du Monde de Yann-Cédric Agbodan-Aolio

Les deux coryphées, être exceptionnels qui "sous-tendaient les lois de l'univers allaient bien fêter leur millième anniversaire, et par conséquent, ils étaient mourants..." Les monarques de la planète Alkebulane ont réuni un conseil extraordinaire de Femmes, d'Hommes et d'Anciens autour de l'Arbre-à-palabres. Ils chargent les Abstracteurs-de-quintessence de trouver les remplaçants des deux coryphées parmi "les enfants âgés de trois à neuf ans, jeunes filles et jeunes garçons, des paysans aux nobles"
J'ai beaucoup aimé me plonger dans l'univers de la planète Alkebulane qui en dépit de sa technologie ne fait qu'un avec la nature et ne perd ni son identité ni ses traditions. Le thème de séparation pour faire face à ses responsabilités est abordée. L'histoire se lit facilement. L'écriture est agréable. J'ai tout de suite été captivée.

L'amour est Source de Vie de Charlotte Bousquet

La nouvelle se déroule dans l'univers d'un dyptique "Shâhra" . (Mon esprit aime parfois me jouer des tours et à chaque fois que je lisais le mot "Shâhra", il me faisait lire "Sahara").
Ne connaissant pas l'univers, c'était assez particulier de s'y retrouver. J'ai compris que l'Asag était un lieu mort où rien ne poussait mais j'ai voulu savoir si ce mot existe.
Voici sa définition selon Wikipédia: "Asag (sumerien) ou Asakku (akkadien), est un esprit maléfique, il est désigné comme étant celui qui apporte la maladie. Asag était également censé vider les puits et couvrir la terre de blessures qu'il remplissait de venin."
J'ai cherché également le mot "Nyambe": "Nyambe ou Nyambɛ̂, dans la spiritualité traditionnelle du peuple Bassa, désigne Dieu comme étant l'éternité du cosmos avec toute sa sagesse, sa puissance et sa beauté1. Avec l'arrivée du christianisme, il devient la traduction en langue Bassa de Dieu créateur de l'univers dans les écrits bibliques de l'église protestante".
Je l'ai fait pour plusieurs mots et on en a plusieurs empruntés à des cultures différentes et qui n'ont pas le même sens dans le texte.
ça fait un peu fourre-tout culturel, on prend quelques éléments par-ci, par-là. Cette nouvelle m'a fait m'interroger sur le terme de "fantasy Oriental"e et sa problématique. "Orientale" est un mot qui englobe beaucoup de pays n'ont pourtant rien à voir culturellement les uns avec les autres.
Je vais vous laisser entre les mains de @bookeylae sur Twitter et sur Instagram qui en parle beaucoup mieux que moi: ici https://www.instagram.com/p/CcfxHlFK_Tu/ et ici https://www.instagram.com/p/CPJP94IHu72/

Le format nouvelle rend difficile l'appréciation de l'univers qui semble beaucoup plus complexe.

La tête d'Olokun d'Alex Evans

TW meurtre
Deux experts en Arts et sécurité, Koj et Fatou, sont invités à bord de l'Ouest de Minuit par la richissime Priya Kangang afin de surveiller la vente aux enchères d'oeuvres d'art qu'elle organise. Le prix le plus convoité est la tête d'Olokun.
Rien ne va se passer comme prévu, mensonges, dissimulation.
Il se déroule sous nos yeux de lecteurs une enquête à plusieurs centaines de kilomètres de la planète tête. Il ne faut pas se fier aux apparences, les personnes les plus riches se révèlent, ici, être très dangereuses.

J'ai bien aimé cette nouvelle. J'ai trouvé le personnage de Koj, très agaçant, il passe son temps à se rabaisser, à dire qu'il ne comprend pas pourquoi sa compagne l'a choisi alors que son ex qui se trouve aussi à bord de l'Ouest de Minuit est si formidable. C'était très agréable à lire.

La paraphrase du Masque de Michaël Roch

TW meurtre
On se retrouve à Lanvil, tout commence par une altercation entre Ernesto Kossoré et Hugh Calvin, un américain au service de Tarkov . Kossoré est prêt à tout pour protéger les sous-sol de la mégalopole caribéenne, il ne reculera devant aucun moyen. On découvre Lanvil à travers ses yeux et ce n'est pas tout rose. Cela m'a donné envie de lire "Tè Mawon, pour en savoir plus sur Lanvil et connaître le secret que renferme son sous-sol et pourquoi Kossoré tient à ce point à le protéger.

Les ciseaux de Sang de Sylvia Saeba

Sylvia Saeba, auteur sur ZIST

Sylvia Saeba n'aime pas les catégories. Née à Schoelcher, elle commence son parcours d'écriture en 2012 avec les scènes Slam de Martinique. Elle écoute, écrit, dépose ses mots. En 2017, elle poursuit ses explorations, notamment dans un atelier d'écriture consacré à l'Afrofuturisme et plus largement aux genres de l'imaginaire.

https://www.zist.co

TW: excision, mutilation, mort, nécrophilie, infanticide, sang

Cette nouvelle pousse à l'extrême l'horreur de l'excision, la magie et les fantômes s'en mêlent. Il y a des passages qui sont d'une violence extrême. Connaissant le thème, je n'avais pas très envie de lire ce texte. Je dois avouer que les histoires où des personnes noires, des femmes noires, des enfants noirs souffrent me révulsent. Je ne peux plus lire ce genre de littérature. (SPOILER) Même si la fin est joyeuse, il y a tout un passage de voyeurisme sur la mutilation des corps noirs utilisés même après leur mort que je trouve terriblement déshumanisante. Et les 10 dernières lignes où on observe un changement n'efface pas cette impression.

Lisez-la si vous avez le coeur bien accroché.

Souvenir Organique de Floriane Soulas.

TW expérimentation sur humains, meurtre, KKK
Ici, nous suivons Eshe appelée CF726 qui est cobaye et qui va participer au protocole MO, Mémoire Organique. Eshe est dans un état de fatigue et de souffrance assez avancé, elle est séparée de sa fille Malia et a accepté de devenir cobaye pour lui envoyer de l'argent.
Le sujet est très délicat, il fait écho une réalité passée pas si lointaine. Celui qui est appelé le père de la gynécologie, James Marion Sims utilisaient des femmes noires esclaves pour réaliser ses expériences. Il n'hésitait pas à se livrer aux pires atrocités pour soi-disant faire avancer la science. Il n'avait pas de respect pour ses patientes noires et n'utilisait pas d'anesthésie cédant au cliché raciste selon lequel les personnes noires ne sont pas sensibles à la douleur.
Si vous voulez en savoir plus, attention, cela fait froid dans le dos:

Appelé le " père de la gynécologie ", ce médecin torturait des esclaves noires pour ses expériences

Au 19e siècle, le médecin américain James Marion Sims a développé des outils et des techniques chirurgicales aujourd'hui largement employés dans le domaine de la gynécologie, en pratiquant sans anesthésie des expériences particulièrement violentes sur des esclaves noires. Retour sur la vie et " l'œuvre " de ce pionnier très controversé.

https://dailygeekshow.com

J'ai eu beaucoup de mal à lire le début de cette nouvelle à cause de cela. Ici, encore le corps d'une femme noire est déshumanisée, meurtrie et utilisée pour le bien de tous sans tenir compte de son bien-être à elle. Ici, je me suis demandée pourquoi les cobayes devaient absolument être des afrodescendantes comme mentionné dans la nouvelle et qui les utilise. Eshe est même déchue de son nom, elle n'est qu'un objet utilisée à des fins qui la dépasse.
Eshe ne cesse de se poser une question et je me la pose également, "que deviennent les sujets d'expérimentation quand elles décèdent? ". Eshe n'a pas grand espoir de sortir vivante de ses expérimentations.

L'expérimentation Mémoire Organique à laquelle elle participe va lui faire revivre la mémoire d'une de ses ancêtres.Elle va se retrouver dans la peau d'une jeune femme noire, Sarah, dans les Etats-Unis d'Amérique de 1960 où la ségrégation raciale est encore légale dans plusieurs états. Sarah va vivre au plus près les événements menant à l'égalité.
SPOILERS
Il y a un passage où Sarah danse pour un public de personnes blanches, elle y porte un costume très révélateur. Là, encore le corps noir est utilisé mais pour amuser un public de dominants.

On continue dans les spoilers attention.
Un autre passage qui m'a fait crier (remonte sur le train, https://www.arte.tv/fr/videos/075423-000-A/je-ne-suis-pas-votre-negre/ pour la référence) est quand Sarah se jette devant une femme blanche alliée qui était censée la conduire en sécurité après un rassemblement de Martin Luther King Jr pour la protéger d'une balle tirée par un membre du KKK. (Ku Klux Klan). ça me fait penser que dans beaucoup de médias: livre, film, série, pendant un très, très long moment, les personnages noirs mourraient très rapidement pour sauver le protagoniste blanc. Et franchement que Sarah se sacrifie pour une femme qu'elle ne connait pas ne fait pas sens pour moi, sachant que Sarah a une petite fille qu'elle va laisser orpheline.

Une énième nouvelle sur la violence, le racisme, la mutilation des corps, je dois avoue que ça ne m'a pas plus enchantée que ça. J'en reviens encore au sous-titre "l'avenir change de visage".... Hum, pas pour cette fois. L'histoire est intéressante mais, ce sont des thèmes assez éprouvants à lire.

Dans les matongo de coton et de polymère de Lionel Davoust.

Dans cette nouvelle, une jeune hacktiviste recherche les vêtements d'un défunt dans Guta Revakafa, lieu où vivent les zvipoko humains, des humains qui ne sont plus que l'ombre d'eux-mêmes et qui sont mis à l'écart de la société. Miriro a pour habitude de ne compter que sur la technologie mais elle en voit très vite les limites. Elle a besoin de faire appel à un savoir ancien, à un ancien. Les vêtements des morts étaient traditionnellement gardés jusqu'à leur dégradation totale. Le polymère empêche leur destruction voilà pourquoi ils sont dorénavant abandonnés dans la mangrove.
J'ai bien aimé cette nouvelle, très facile à lire. J'ai été un peu déroutée par la manière dont le narrateur appelle la protagoniste à plusieurs reprises "petite truie à bavoir crachant partout", "petit bébé braillard et sale". Même quand on connait les liens entre les deux dans la suite de l'histoire, j'ai eu du mal à y voir un côté affectueux. Il y a une sorte de mépris qui transparait concernant la manière qu'a Miriro de voir le monde, un mépris qu'elle lui rendait bien.

15. De l'autre côté de la nuit de Laura Nsafou.

TW homophobie, crise de panique

Avec cette nouvelle, on retrouve l'univers de "Nos jours brûlés".

Nous voilà plongés dans le Sénégal de 2049, plus précisément dans la ville balnéaire de Saly. Le soleil a disparu quelques endroits ont la chance d'avoir des zones désobscurcies. Le continent africain en possède beaucoup. Par sa position de force, il domine dans les négociations.
Certains ont profité de la Grande Nuit pour s'enrichir comme, Ibrahim, le père du protagoniste Seydi, qui a fondé le parti patriotique Lumière Nouvelle. Ibrahim décide de faire installer de nouvelles lumières dans sa maison. La situation du jeune Seydi est compliquée, ses parents le méprisent parce qu'il est homosexuel, et veulent le forcer à le cacher en épousant sa fiancée de longue date Aminata.
Seydi va tomber sur un Ensoleilleur, Eliam, un militant qui veut que tout le monde puisse disposer de la lumière et pas seulement l'élite comme la famille d'Ibrahim qui n'hésite pas à abandonner les moins fortunés à leur triste sort. Un ennemi dans sa propre maison, Seydi va devoir faire des choix qui changeront sa vie, celle de son entourage et celles des autres.

J'ai beaucoup aimé cette nouvelle entre l'intrique avec les Ensoleilleurs et les relations entre Seydi et Eliam. L'écriture est très fluide et on est très vite pris dans l'action. Le personnage de Seydi est très attachant, on vit avec lui ses dilemmes et on a très envie que tout se passe bien pour lui. J'ai adoré détester Aminata, qui ne parait pas aussi lisse qu'on pourrait le croire, une scène suffit à nous montrer qu'elle n'est pas la jolie idiote qui ne fait que sourire. Ibrahim est l'archétype du père qui n'aime ses enfants que quand ceux-ci correspondent à ses propres aspirations dans la vie. Sa femme n'est pas beaucoup mieux et les apparences sont également très importantes pour elle. Ni l'un ni l'autre ne se préoccupent réellement du bonheur de leur fils.

Blanche-Neige et le triangle quelconque de Ketty Steward

TW racisme, eugénisme

Bienvenue dans la France du futur, une France dirigée par Maryvone Eli-Corail, une femme noire présidente. Malheureusement, ce progressisme apparent n'a pas éradiqué les racines du racisme en dépit d'une lutte acharnée. La narratrice qui travaille dans un hôpital découvre les véritables pensées de sa collègue Brigitte lors d'une pause déjeuner. Cela commence avec l'écueil qui a court aujourd'hui (2022) concernant les zones interdites aux français (spoiler alert: elles n'hésitent pas, ce sont des idées d'extrêmes-droites qui considèrent qu'à partir du moment où dans un quartier, la population n'est pas majoritairement blanche, elle leur est interdite. ) et sans grande surprise, Brigitte pointe du doigt la fameuse banlieue, celle dont tout le monde parle sans jamais y avoir mis les pieds et celle dont les banlieusards se demandent de quoi on parle parce qu'elle ne ressemble en rien à leur lieu de vie.

La narratrice qui est une femme noire se retrouve dans une conversation à laquelle on a été confrontée au moins une fois ( par an? par mois?) et à laquelle on voudrait échapper, à laquelle on ne veut même pas attribuer les 5 minutes de Marie (@Napilicaio sur Twitter) . La fameuse discussion sur les "Français ne sont pas tous blancs". Et là, la réponse de Brigitte interpelle sa collègue sur les "français de souche". La graine est plantée. Notre narratrice est tout d'abord dans le déni, non pas Brigitte, "elle est âgée". Une révélation la frappe: elle est la seule personne noire de son service. En observant un peu plus attentivement Brigitte, elle va découvrir l'existence d'une organisation raciste, le SPAE, Société de Préservation des Autochtones d'Europe surveillée par la V.A.R, la Vigilance Anti Raciste.

La nouvelle est intéressante à lire. J'ai bien aimé le rythme, l'alternance où on observe Brigitte, Blanche-Neige, et le déroulé de l'histoire. Mais, ce monde est si proche de notre réalité. On est dans un futur qui n'a finalement pas changé, même si la présidente est une femme noire, même si elle met en place de véritables organisations pour lutter contre le racisme. On est confronté face aux eugénistes suprématistes, racistes et sexistes qui veulent contrôler le ventre de leurs femmes pour donner naissances à des bébés "français de souche". Je n'ai pas détesté cette histoire seulement, le thème du racisme est un peu trop redondant dans cette anthologie.

Plus que la Terre encore de David Bry.

TW: racisme

" Sale N*ire", ce sont avec ces deux mots que commencent la nouvelle. ça nous donne le ton. C'est d'une violence sans nom à lire. Et la réaction de la jeune femme métisse, Malia, qui se prend cette insulte, c'est de la laisser couler. Ils se trouvent à bord de l'Olorun. Malia et ses compagnons ont pour mission de reconstruire une nouvelle civilisation sur une nouvelle planète. Seulement, leur vaisseau connait une avarie que seul Jansse, l'auteur de ces mots doux peut réparer. La réussite de leur mission ne dépend que de lui. Il déteste les personnes noires, n'a de cesse de leur rappeler, considère les personnes blanches qui s'associent à elles comme des traitres.
Dans le monde de Jansse et de Malia, il y a une sorte d'apartheid mondiale, une Grande barrière est construite par l'Europe pour la séparer de l'Afrique et ainsi garder les ressources qui s'épuisent. Pour aller plus loin, les Blancs Européens et les Blancs Africains du Sud ont effacé toutes les données concernant les personnes noires et leurs alliés.

Honnêtement, je ne comprends pas ce besoin d'aller jusque là pour des personnes qui luttent pour leur survie. Leur vie est semble-t-il compliquée mais ils ont encore la force d'être raciste.

Les personnes noires et métisses font toujours preuve de résilience dans les histoires peu importe la violence que les racistes leur ont fait vivre, ils se montreront plus généreux que leur oppresseur.
Au départ, je pensais que Malia mettait de côté l'insulte de Jansse car il était l'unique personne qui pouvait sauver leur vie et leur mission mais non. C'est très courant dans l'imaginaire. La personne noire qui se retrouve avec un raciste qui l'insulte, le bat, lui fait des crasses mais qui se sacrifie pour elle (saute d'un train, regardez le docu de James Baldwin pour la référence), lui pardonne sans que la personne raciste ait eu à faire quoique ce soit. Il suffit qu'elle est à peine fait preuve de décence et on lui offre l'absolution et une deuxième chance. Quelque soit le degré de violence dont le dominant a fait preuve, le dominé lui pardonnera toujours, voudra le sauver.

SPOILER. Pour le dénouement, on aurait dit qu'un mauvais MJ (maître de jeu dans les jeux de Rôles) nous annonçait un événement sans tenir compte du caractère des personnages. Jansse déteste les personnes noires de tout son être, il a renié son fils qui a voulu les défendre, ses premiers mots à son réveil sont une insulte raciste, il a voulu tuer des bébés noirs. Il n'a construit aucun lien avec le personnel du vaisseau (personnel noir). Pourquoi décide-t-il de les aider? Sachant qu'il ne peut pas mourir. Il n'a rien a gagné avec cette décision donc ça tombe comme un cheveu sur la soupe.

Cette nouvelle était gratuite au niveau racisme. C'est violence sur violence jusqu' à vouloir tuer des bébés. Les actes de Jansse sont à peine condamnés. Ici, on essaie de faire une sorte de réciprocité sur le racisme, comme si ce n'était que de la haine et pas tout un système mis en place pour détruire tout un groupe.

Venus Requiem d'Emilie Querbalec

Vénus Djanwa est devenue une femme puissante en capitalisant sur la mort et le voyeurisme des gens pour la mort. Elle fait l'acquisition par l'intermédiaire d'un chasseur de tête, Tyros, elle fait l'acquisition d'une delphinienne, une oracle capable de prédire la mort des gens dont elle croise le regard. Elle décide de capitaliser cette découverte et d'en fait une émission où les spectateurs parient pour savoir quelles célébrités va mourir. Mais, une peur hante Vénus de cette découverte, sa propre mort.

J'ai bien aimé cette nouvelle. Le plot twist est vraiment intéressant et inattendu.
Dans la petite biographie de l'autrice, il est écrit qu'elle avait déjà été publiée en 2015 dans le recueil Mort chez les Artistes Fous Associés. Des auteurices avaient été choisi.e.s pour compléter les auteurices afrodescendant.e.s pour l'anthologie, j'avais imaginé que tous les textes auraient été des inédits.

Nine Inch Man de Christophe Gros-Dubois.

TW amputation, fétichisme, sexualisation, viol, masturbation avec un pistolet (oui, vous avez bien lu), sexe, validisme

Je vais spoiler toute la nouvelle donc si vous voulez la lire, il vaut mieux passer.

" Une paire de belles fesses noires peut-elle faire dérailler le capitalisme américain, rebattre les cartes des luttes sociales et mettre des millions de travailleurs précaire en haut des barricades?"

Cela met bien en bouche sur le fétichisme et l'hypersexualisation des femmes noires. La narratrice est une amie de Lilly, elle retrace la vie de cette jeune fille qui utilise son corps pour se sortir de la pauvreté et atteindre les Etats-Unis d'Amérique, l'El Dorado.
Pour se payer la traversée, la jeune adolescente décide de coucher avec 99 hommes. Il y a une utilisation assez particulière de deux mots japonais très fétichisante également. Il utilise le terme "bukkake" alors que le mot "orgie" convient parfaitement. On se demande pourquoi ils sont employés alors que Lilly est originaire d'un "caillou perdu dans la Caraïbe" et qu'elle part aux USA, on aurait pu utiliser l'anglais où un créole. La seconde fois qu'il est employé, c'est pour décrire Lilly comme une "Rabu Doru", une love Doll (poupée sexuelle en silicone).

Lilly n'existe que pour son corps et sa sexualité.

Allez analysons un petit extrait savoureux:

"Inutile de préciser que ses beaux-pères lui ont mis la main à la culotte, une constante sociologique de la vie en roulotte. Quand aux types de passage ramassés ici et là, ils font rarement preuve de délicatesse envers les lolitas. Elle en a épongé quelques-uns pour avoir la paix, quand sa mère avait le dos tourné. Parce qu'il est plus facile de donner à un homme ce qu'il veut que lui tenir tête. Le pire à ses yeux aurait été de recevoir des coups."

Maintenant, que vous avez bien lu, on est prêt. Dans ce court extrait, on dit que c'est courant pour les pauvres jeunes filles de se faire violer et/ou agressées sexuellement par les hommes de leur mère, qu'ils avaient tendance à être brutaux, comme si la pauvreté exacerbait les comportements violents. (Ce serait oublié un peu facilement l'affaire Epstein, les nombreux scandales qui touchent le monde du cinéma de la musique etc par des personnes aisées).
"Parce qu'il est plus facile de donner à un homme ce qu'il veut que de lui tenir tête) est une phrase d'une telle dangerosité, qui sous entend qui vaut mieux accepter le viol ( parce qu'il n'y a pas de consentement ici, puisque Lilly cède par peur) que de prendre des coups.

Le terme de "Lolita" est compris de nos jours comme une jeune fille qui connait son pouvoir de séduction et qui en use et abuse pour séduire des hommes, en toute connaissance de cause. Le terme de "Lolita" est employé, je pense que l'écrivain Vladimir Nabokov doit souffler quand on l'utilise pour dire qu'une très jeune fille agit comme une prédatrice, séductrice envers la gente masculine qui n'est que la pauvre victime de cet être. Plus la fille ou femme est jeune par rapport aux hommes plus l'homme est considéré comme une victime. Le propos de Nabokov était le contraire: la jeune fille était la victime de l'emprise de ce vieil homme. Ici, Lilly est bien la victime des amants de sa mère.

Dès qu'elle a 18 ans, elle ouvre un Only fans et évidemment a du succès. Intéressant de retrouver cette idée selon laquelle les femmes pourraient se faire de l'argent si facilement avec un Only fans et qu'elle capitalise sur les besoins sexuelles des hommes. Débat sexiste et biaisé qui revient régulièrement sur les réseaux sociaux et qui est le préféré des "Incels".

Lilly va réussir à séduire un homme riche: Rob Steiner. Rob est l'homme riche par excellence qui a les yeux tournés vers l'espace. En revanche, quel homme riche va dans un supermarché lui-même "au rayon petit pois" . Quelle aubaine pour Lilly! Comme tout homme amoureux, il offre un superbe cadeau à sa dulcinée et quoi de mieux pour prouver son amour que de lui offrir un 45 millimètres automatique et son chargeur de huit balles capables de transpercer un gilet pare-balles. Et que va faire Lilly avec son "Nine Inch Man"? Que ferait une jeune femme avec une arme? Aller au centre de tir? La cacher pour ne plus la voir? Non, et bien elle va se masturber avec! Bien évidemment. Et l'arme veut "la combler comme un homme". Mais tout à fait. Lilly n'existe que pour le sexe même des objets inanimés éprouvent des désirs... Et quoi de mieux que se masturber avec une arme pas totalement déchargée? Sans grande surprise un accident se produit, elle finit amputer de sa chambre gauche et elle est devenue stérile.

Quoi de mieux pour se faire pardonner d'avoir offert à Lilly l'objet de son malheur que de céder à son envie d'enfant? Parce qu'un bébé peut réparer tous les malheurs de la vie. Ce projet n'est pas réfléchi et semer plus de graines de malheur. Lilly se souvient à ce moment-là de son ancienne île qu'elle a voulu à tout prix quitter. Elle a adopté la mentalité de certaines personnes riches qui pensent que l'argent peut tout régler et qu'elle peut acheter un bébé à ses parents.

Il y a encore plein de rebondissements dont je vous passe les détails et à ce stade, j'en ai déjà assez de cette nouvelle qui pour moi est loin d'être une nouvelle choc pour faire réfléchir, c'est dégradant et objectifiant pour les femmes noires des Caraïbes. Ce n'est pas comme si elles étaient hypersexualisées depuis leur plus jeune âge et devaient appréhender leur sexualité en se délestant de ces clichés bien encombrants.

Tout ça pour finir avec une Lilly qui prend la place de Rob dans la fusée et qui la détourne pour Mars. Personne ne s'est rendu compte qu'une femme d'1m48 avait pris la place d'un homme. Laissons de côté les questions techniques sur la taille de la combinaison.

Sans grande surprise, je n'ai pas aimé cette nouvelle qui contribue à véhiculer des clichés sur la sexualité des femmes noires caribéennes (et va même encore plus loin) avec en filigrane des jugements moraux.

"Je ne le conseille à personne, encore moins aux jeunes filles de chez nous préservez-vous! "

Je ne suis certainement pas la cible mais pour moi, cette nouvelle ne représente pas du tout ce que j'attends de l'afrofuturisme en France. Le fait qu'une femme noire finisse dans l'espace est donc ce qui fait basculer la nouvelle dans l'afrofuturisme ou que des îliens reprennent le pouvoir dans les deux dernières pas? Non. Ce n'est pas assez développé et Lilly va droit à une mort certaine.

La Reine égarée de Corinne Guitteaud.

Nous suivons Adjibola dans le présent, une jeune archéologue, qui a fait une grande découverte: la tombe d'une Reine du Dahomet Tassi-Hangbé. Et, on suit cette dernière dans le passé pour découvrir pourquoi la grande découverte soulève plus de questions qu'elle n'apporte de réponses. On dit bien souvent que pour comprendre le présent, il faut comprendre le passé mais dans cette nouvelle, c'est le futur qui va reforger le passé.
La nouvelle est sympa à lire mais j'ai trouvé le dénouement un peu deus ex machinien. Il y a une relation étrange entre l'Empire et la République Française. L'Empire n'a pas été colonisé mais semble avoir des rapports exclusifs avec la France: il achète du matériel archéologique, Adjibola a étudié à la Sorbonne. N'y a-t-il pas d'universités dans cet empire? Et pourquoi est-ce que les Minon vont se battre contre "les islamistes du MUJAO"?

Twati an vè-a de Nadia Chonville.

TW transphobie, patriarcat

Les Caraïbes ont connu un essor économique et technologique qui les ont rendues prospèrent. Pendant dix années, l'égalité hommes-femmes a prédominé, le patriarcat avait été vaincu. C'est ce qu'avait cru à tort les Caribéennes avant d'être trahi par leur président qui invoqua leur protection pour les bannir des postes à responsabilité ou de l'ingénierie. Elles prévoient un coup d'Etat pour renverser de nouveau le patriarcat et se libérer des rôles dans lesquels on les avait cantonnées.
Alex est un homme transgenre qui va leur permettre d'atteindre un lieu interdit aux femmes pour détruire le poto mitan en y déposant un virus via le QR-code qu'il a dans sa main. Il participe à l'initiation des jeunes marrons.
Les hommes ont un QR-code dans la main droite et les femmes dans la main gauche.

J'ai bien aimé cette nouvelle. Lire du créole est toujours agréable. J'ai apprécié les différentes références à la culture antillaise, c'est vraiment l'aspect que j'aime dans l'afrofuturisme quand la culture est une partie indissociable de l'histoire, qu'elle lui donne sa force. Le Poto mitan est le poteau central d'une maison ou d'un temple. C'est aussi une expression qui désigne les femmes fortes, les femmes qui se doivent d'être forte envers et contre tous les malheurs qui leur arrivent, elles doivent tenir leur famille, leur maison, en dépit d'elle-même et de leur santé mentale. Twati an vè-a, le plafond de verre, "désigne le fait que, dans une structure hiérarchique, les niveaux supérieurs ne sont pas accessibles à certaines catégories de personnes essentiellement en raison de mépris de classe, de discrimination raciale ou de sexisme. Il peut, de manière intersectionnelle, être le résultat de plusieurs de ces discriminations subies simultanément." (WIKIPEDIA)
On retrouve aussi les éléments de la tradition du conte oral " yé krik". Des éléments du passé sont aussi réutilisés pour prendre une autre signification. Les marrons étaient les personnes esclavagisées qui s'enfuyaient des plantations.

L'introduction du personnage transmasculin est très étrange. Premièrement, Alex sait qu'il est un homme depuis toujours. Pourquoi éprouve-t-il le besoin de se souvenir quelle est la main des hommes? Ensuite, quand il se tient aux côtés des autres marrons dans l'assemblée, la première fois qu'on comprend qu'il est trans, c'est avec ces mots:

"Sous son jean, le vagin d'Alex se contracte sur toute la dignité de sa lignée."

Quand on parle d'une personne cisgenre, à part dans certaines scènes spécifiques, on ne mentionne jamais ses organes génitaux, pourquoi le faire pour une personne transgenre? Et, malheureusement, on a un personnage transphobe qui est bien vocal sur sa transphobie.

La couverture de Fanuel Leul @Fanuel_Leul_ sur Twitter.
Quand j'ai vu cette couverture, j'ai eu un coup de coeur immédiat, aussi bien pour le choix des couleurs douces mais qui évoque l'espace que du personnage central qui utilise sa tradition pour construire son avenir. Une sorte de puissance se dégage de lui et il regarde vers le futur de manière sereine. Il est profondément enraciné mais il semble pouvoir s'adapter.
Vraiment, j'ai adoré, cette composition. C'est un peu le regard que j'ai sur l'afrofuturisme, le passé est un tremplin qui ne doit pas nous limiter mais nous permettre d'avancer. On doit regarder le passé bien en face, ne pas éprouver le moindre honte mais se construire pour avoir un présent et un avenir radieux.
Conclusion

Pour des raisons évidentes, il y a des nouvelles qui ne relèvent pas de l'afrofuturisme, elles ont été maintes fois exposées et je ne vais pas revenir dessus. Il y a une grande différence entre écrire de la SFFF avec des personnages principaux noirs et de l'afrofuturisme. Cela n'a pas la même signification, pas le même but, ce n'est pas toujours le même public.

En ce qui concerne le sous-titre "l'avenir change de visage" , dans pas mal de nouvelles, on constate que l'avenir est aussi sombre, raciste et violent que notre présent, c'est dommage. Les thèmes du racisme, de l'esclavage sont récurrents chez les afro-américains qui ont eu besoin d'exorciser leur passé dans leur afrofuturisme.

J'ai vu que certains auteurs et certaines autrices n'avaient jamais écrit de l'afrofuturisme avant et c'est assez significatif que quand on leur demande d'en écrire, on glisse immédiatement dans les traumas, la violence.

On retombe dans les écueils habituels sur les personnages noirs en littérature: leur mutilation, la souffrance, la peur, la mort violente... dépeintes de manière très graphiques.

J'attendais cette anthologie avec impatience mais je suis terriblement mitigée. J'aime lire l'afrofuturisme et l'african futurism et j'étais contente qu'on mette plus en lumière le travail d'écrivains afrofuturistes français. Nous avons une histoire très marquée concernant l'esclavage, le racisme et même là, certains auteurs ont fait le choix d'aller du côté des Etats-Uniens.

Le livre contient des typos. Je passe outre en temps normal mais je trouve que c'est un problème de plus dont l'anthologie aurait pu se passer.

Comme toujours faites-vous votre avis, il y a d'excellentes nouvelles. Vous n'aurez pas les mêmes horizons d'attente que moi ni la même grille de lecture.

Bonne lecture à tous et toutes.

Afrofuturisme l'avenir change de visage

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