Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
L'ivre de lecture
24 novembre 2021

Là où les chiens aboient par la queue d'Estelle- Sarah Bulle

Là où les chiens aboient par la queue d'Estelle- Sarah Bulle

Source: Externe



Là où le chien aboie par la queue




Quatrième de couverture:
Dans la famille Ezechiel, c'est Antoine qui mène le jeu. Avec son «nom de savane», choisi pour embrouiller les mauvais esprits, ses croyances baroques et son sens de l'indépendance, elle est la plus indomptable de la fratrie. Ni Lucinde ni Petit-Frère ne sont jamais parvenus à lui tenir tête. Mais sa mémoire est comme une mine d'or. En jaillissent mille souvenirs-pépites que la nièce, une jeune femme née en banlieue parisienne et tiraillée par son identité métisse, recueille avidement. Au fil des conversations, Antoine fait revivre pour elle l'histoire familiale qui épouse celle de la Guadeloupe depuis la fin des années 40: l'enfance au fin fond de la campagne, les splendeurs et les taudis de Pointe-à-Pitre, le commerce en mer des Caraïbes, l'inéluctable exil vers la métropole... Intensément romanesque, porté par une langue vive où affleure une pointe de créole, Là où les chiens aboient par la queue embrasse le destin de toute une génération d'Antillais pris entre deux mondes.

Mon avis:

On suit une jeune femme qui plonge dans ses racines pour en connaitre l'histoire, une histoire qui fait partie d'elle. En interrogeant ses ainés, elle les comprend mieux. 
L'identité est une question centrale dans le livre. Chacun cherche ses marques et essaye de se construire à travers les préjugés, les stéréotypes et les promesses non tenues de l'Hexagone. 

"Hilaire traitait ses enfants comme il traitait ses animaux: un verre de tendresse, un seau d'autorité et un baril de "débrouyé zôt". 

Les pères comme Hilaire devaient apprendre à devenir des pères différents des leurs. C'est compliqué de s'éloigner de l'éducation que l'on a reçu et de ne pas la reproduire. Reconnaître qu'elle nous a causée du tort est une chose, savoir comment s'en défaire quand on a des enfants à notre tour en est une autre. 

" A me raidir chaque fois qu'un Blanc plaisante sur mon accent et mes cheveux". 
Il y a des choses qui changent moins vite qu'on ne le croit. Certaines personnes confondent autodérision, moquerie et blague.  Quand la personne en face n'est pas réceptive aux blagues sur sa personne, elle est cataloguée comme cassant l'ambiance ou susceptible. Ce genre de plaisanteries n'est pas si innocent qu'on pourrait le croire et elles sont récurrentes. Tellement de choix de blagues disponibles pourquoi choisir celles qui pourraient blesser quelqu'un et la mettre dans une position inconfortable? 
Si elle rit, elle est complice et s'expose à d'autres blagues ou expose d'autres personnes comme elle. Si elle fait une remarque, elle est accusée de se victimiser et on balaye ses sentiments. 

La protagoniste a des propos racistes vraiment choquants. 

" Mais ce sont tous des étrangers, alors que moi, je suis aussi française que ces Blancs qui me prennent pour une Africaine". 
C'était très courant pour les Antillais dans les années 80-90 de vouloir se distinguer des personnes venant d'Afrique. A cause du racisme et de la xénophobie, les personnes issues de ce continent étaient considérées comme pauvre, sale, stupides, fainéants et autres joyeusetés. 
Beaucoup d'Antillais voulaient à tout prix se démarquer et alimentaient, malheureusement, le climat ambiant et pouvaient être même plus virulents... 

"Nèg kont nèg. Il admettra la réussite des Blancs, mais n'avalera jamais  celle de ses frères d'infortune. Et les femmes, qui sont les plus maltraitées de toute la Création dans cette petite île". 
Cette compétition date d'il y a longtemps. Penser que l'homme noir doit lutter pour réussir et qu'il n'y a pas assez de place pour lui et les autres crée une certaine forme de jalousie. Certains se félicitent de la réussite des personnes blanches plutôt que de leur frère comme le suggère la phrase car dans leur tête, ils n'auront pas la même réussite. 
Les femmes sont considérées comme les potomitans en Martinique. Elles soutiennent la famille et doivent tout encaisser sans se plaindre. Courber l'échine et porter sa famille. Elever les autres sans jamais s'élever soi-même était la condition de beaucoup de femmes sur l'île. Celles qui échappaient à ce fonctionnement étaient marginalisées ou considérées comme difficile à l'image de tante Antoine dans le livre. 

Elle est libre et sait ce qu'elle veut. Elle ne compte que sur elle-même pour réussir et prend souvent des riches. Elle n'hésite pas à tenir tête à sa famille au grand dam de son petit frère. 

Ce petit frère qui subit une immense injustice scolaire. Bien que brillant à l'école, il n'a pas pu poursuivre ses études à cause d'une maladie qui l'a retardé. Il n'a pas le droit à une deuxième chance et se résout à aller en apprentissage même si ce n'est pas son premier choix. 

L'autrice aborde le colorisme de manière détourner. Les personnes noires, surtout les filles et les femmes, sont plus avantages que celles à la peau plus foncé. 
La petite soeur d'Antoine a vraiment la mentalité qui dominait à une certaine époque. Elle préfère fréquenter des personnes à la peau blanche et dénigre volontiers sa soeur plus foncée. 
Son objectivité est très discutable. Aurait-elle été plus conciliante avec Antoine si celle-ci avait eu la peau plus claire? Certainement. 
Cette petite soeur a honte d'Antoine et ne veut pas être vue avec elle. Elle épouse un homme qui n'accepte pas qu'elle gagne plus qu'elle mais qui est bien content de profiter de son argent. 
Sa virilité en prend un coup. C'était ridicule à l'époque et ça l'est toujours maintenant. 

En lisant ce roman, j'ai retrouvé les paroles, les mimiques de certains membres de ma famille. Ils étaient souvent la première génération arrivée avec le BUMIDOM. 
Certains propos sont choquants comme le colorisme, le racisme, la xénophobie et le sexisme. Les mentalités ont évolué grâce aux discussions.
L'identité est toujours une question importante pour les Antillais vivant en Hexagone. C'est difficile de se positionner. 

Les questionnements de nos aînés sont semblables aux nôtres avec une couche de bienveillance en plus. 

J'ai bien aimé cette histoire. Quelques passages m'ont fait tiquée mais c'est une bonne chose. 

Bonne lecture à toutes et tous.

Publicité
Publicité
Commentaires
L'ivre de lecture
Publicité
L'ivre de lecture
Archives
Publicité