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11 mai 2022

Un livre pour faire la différence d'Elodie-Aude Arnolin

 Un livre pour faire la différence d'Elodie-Aude Arnolin

Manifeste d'une lectrice en colère.

 

réseaux de l'autrice https://linktr.ee/labooktillaise

 

1. 

C'est une lectrice blasée qui lit ce manifeste. Je me suis reconnue dans de nombreux points. 

L'enfance sans représentation est un point commun. Je suis ravie que les nouvelles générations n'aient plus à subir cela et puissent avoir accès à un panel (bien que timide) plus large de personnages. 

Le défrisage était l'étape obligée de mon adolescence. Ma mère ne connaissant plus la nature véritable de ses cheveux n'avait pas les gestes pour s'occuper correctement et en douceur des miens, c'était une torture à chaque fois. 

Puis, la télévision nous montrait que pour devenir une belle jeune femme noire, il fallait avoir les cheveux lisses, c'était une condition sine qua non pour correspondre à un critère de beauté qui n'était pas nôtre. 

J'ai grandi en France, la pression pour ressembler aux canons de beauté était énorme. Durant l'adolescence, on n'a qu'une envie: se fondre dans la masse. 

J'étais une lectrice avide de magazines pour ados au collège et au lycée, ces lectures avec leurs mauvais conseils quand ils daignaient en donner pour des jeunes filles me ressemblaient ont insinué l'idée qu'au mieux, nous n'existions pas au pire nous devions transformer (chimiquement) notre apparence. 

 

2. 

J'ai toujours adoré lire. J'étais fascinée par l'Egypte et la mythologie et dévorais les livres d'Odile Weulersse. C'était ma première approche avec des personnages non-blancs. (Je dois avouer que j'ai peur de les relire maintenant et de voir leur traitement mais il faudra bien que je le fasse.)

Puis, il y a eu un gouffre, une énorme période creuse. En lisant le deuxième chapitre "Des livres sur quoi? Et pour qui?", je comprends totalement. Les livres étaient si loin de mon expérience et de mon quotidien que je ne prenais plus de plaisir. Je ne me retrouvais pas dans les personnages. Personne ne vivait cette pression qu'était d'être une jeune fille adolescente d'origine antillaise en banlieue parisienne.  

Ce débat sur la description des personnages revient régulièrement sur le tapis (par les personnes qui n'ont qu'à tirer un livre au hasard pour se voir représenter). 

Récemment sur twitter, une autrice avait dit qu'elle préférait ne pas décrire physiquement son personnage pour laisser libre cours à l'imagination du lecteur. C'est très problématique, surtout si le genre se veut réaliste. Une personne noir, une personne d'origine indienne (à la peau claire ou à la peau foncé), une personne blanche ne naviguent pas de la même façon dans le monde. 

Comme le dit Elodie-Aude, ce monde est construit pour une personne cisgenre, valide, blanche et mince. Quand on ne rentre pas dans une de ses cases (ou aucune), une ou plusieurs problématiques entre en jeu dans ta manière de voir les choses, de vivre les choses ou d'interagir avec les autres. 

J'ai eu une discussion, il y a peu avec une collègue concernant un film de Kung-fu sorti récemment. Je parlais de la manière douteuse de représenter les personnes d'origine chinoise et maghrébines. Ce à quoi elle s'est empressée de répondre qu'il faut savoir rire de tout et que certains clichés existent. Ma réponse était que c'est toujours les représentations sont toujours écrites sous le prisme de ses clichés et qu'on n'en sort jamais. 

La représentation dans le monde de l'édition est souvent par le biais des traumas. Je me souviens du débat (c'est intéressant de voir comment nos vies, nos sentiments font souvent l'objet de débat chez des personnes qui ne sont pas concernées) d'une lectrice qui démontait le livre d'une autrice noire parce que "son personnage noir ne vit pas le racisme, ce n'est pas réaliste". Oui, beaucoup d'auteurs ont écrit et écriront sur le racisme mais nos vies ne tournement pas autour de cela. 

Je sais que c'est très spécifique, mais j'avais envie de lire une romance feel-good avec des personnages noirs d'origines caribéennes et je n'en ai pas trouvé. (Spoiler, j'ai fini par l'écrire pour moi, pour me faire du bien.) Il y a énormément de romans qui se déroulent aux Caraïbes mais ce sont tous des personnages blancs en quête d'exotisme. 

Bref, ce n'est pas ce que je voulais. 

Depuis que j'ai pris confiance en moins et que j'ose lire en anglais, j'ai fait des découvertes magnifiques. Je suis souvent obligée de me tourner vers les Nigériens, les Américains et les Anglais. 
Le manque de diversité dans l'édition française est affolante pour un pays multiculturel comme le nôtre, c'est dommage et très triste de ne pas avoir d'auteurs qui nous ressemblent ou des histoires qui font sens pour nous. 

Par exemple, en tant que femme noire d'origine Martiniquaise, il est inconcevable pour moi d'écrire un roman ou de lire un roman décrivant l'esclavage comme une aventure. C'est un tel mépris pour mes ancêtres et mon histoire. Cela prouve bien que quand on écrit ce genre de choses, on ne pense qu'à une certaine catégorie de lecteurs. 
C'est si justement écrit: quand l'écrit devient public, il est normal que le public réagisse. Il ne s'agit JAMAIS d'interdire à un auteur d'écrire son histoire mais il faut réfléchir aux conséquences. Pour de nombreuses raisons décrites dans ce livre, il y a peu de représentations, certains ont plus de chances d'être publiés, si vos histoires ont des éléments offensants, trompeurs, stéréotypés et que c'est la seule représentation auquel on a le droit, c'est terriblement gênant. 

C'est intéressant, quand on déclare vouloir de la représentation, c'est la panique. On ne veut ni remplacer ni effacer ce qui existe déjà, on veut que le catalogue littéraire s'enrichisse. 

3. La diversité opportuniste (et oui, il y a un titre parce que j'ai envie)

La diversité opportuniste devient monnaie courante. Quand il se passe un événement tragique, des maisons d'édition qui se refusaient de publier des auteurs ou des autrices racisé.e.s se trouvent soudainement un intérêt pour eux. Ces mêmes maisons d'édition qui sont souvent épinglées car elles se trouvent toujours en mode excuses activées: les personnes noires ne lisent pas, des personnages noirs en couverture ne font pas vendre, "c'est un livre de niche" qui n'intéressera que peu de personnes. (Il faut vous décider: les personnes noires ne lisent pas ou ça ne va intéresser qu'elles!)

Tout d'un coup, elles décident de vendre UN livre mais souvent, c'est un livre qui va parler de racisme, bien évidemment. Il serait dommage que les personnes racisées puissent lire un livre qui leur fassent du bien ( dans la plupart des cas, ce livre sera le token qu'ils ressortiront au choix pour le "black history month" ou pour le mois des fiertés) 

Pour montrer leur engagement suite aux événements racistes qui ont conduit à la mort tragique de George Floyd, certains maisons d'édition avaient demandé aux auteures noires d'envoyer leur tapuscrit pour ensuite les oublier dans un coin. 
Le faux activisme qui consiste à se faire une grande publicité en faisant semblant d'agir sans que rien ne bouge réellement derrière. 

Les équipes restent les mêmes. Il faudrait déjà qu'il y ait plus de diversités dans le monde de l'édition pour retrouver une réelle diversité dans les publications et non quelque chose de forcé ou d'opportuniste comme actuellement. 

4. La traduction

J'ai déjà lu quelques traductions. Mais, il est vrai qu'il y a quelques petits soucis: entre certains traducteurs qui prennent des liberté avec le texte original, le mégenrage de l'auteurice (j'ai un.e exemple en tête)  ou d'un des personnages. (Les détracteurs du pronom "iel", la langue française est une langue vivante que nous parlons, qui évolue, avec laquelle on joue, si c'est pour se borner à la limitation des mots qui existent elle mourra car elle n'évoluera pas avec la société inclusive qu'elle veut représenter.) 
Les maisons d'édition française nous ont gratifiés de merveilleuses histoires traduites. Honnêtement pour certaines oeuvres, je suis très contente que d'autres puissent avoir la chance de les lire en français (quand on a réglé les problèmes de traductions, de changement de couverture pour faire disparaitre le personnage racisé, les changements de titre et la non- publicité.)
Le problème est que cela ne doit pas être "une solution toute trouvée" au manque de diversité. Sur le marché littéraire français, on se retrouve avec une presque saturation des auteurices étranger.ères racisé.e.s au détriment des auteurices racisé.e.s français, comme si le monde de l'édition n'arrivait pas à concilier les deux. Une personne afro-américaine n'aura pas la même expérience qu'une afrodescendante française. On va, certes, y retrouver des similitudes mais elles sont, parfois, limitées. Ce ne sont pas des personnes interchangeables. L'auteurice racisé.e anglophone devient le token littéraire des maisons d'édition française. 
Les traductions devraient être un bonus pas une fin en soi. Traduire c'est parfait mais si c'est pour que cela bloque les opportunités des écrivains français, c'est vraiment dommage. Il reste encore du chemin à parcourir. 

 

5. Les quotas

Après avoir vu des nombreux débats sur "mettre ou pas de la diversité dans nos oeuvres" sur Twitter (et surtout après avoir bien soufflé pour éviter d'y participer parce que les personnes qui sont représentées bien et mal, tout le temps comme le mode par défaut de cette vie comprennent de travers, ils ne sont pas dans nos souliers, et ont dû mal à appréhender nos vécus), j'ai remarqué que même dans les oeuvres fictives, nous sommes déshumanisés. Nous existons dans une histoire que si on nous met "de force" dedans. Nous ne sommes pas des personnes avec des émotions, des qualités, des défauts. Nous sommes des [insère insultes ou pas] de quotas qu'on cherche à remplir. Personne ne te force. Si ton personnage n'est pas juste ou est un cliché sur pattes, ça se verra... et se sera désagréable à lire. 

Ce qui est très agaçant, c'est que ce sont toujours les mêmes qui sont représentés par des clichés et que c'est notre seul représentation, le plus souvent.
C'est la peste ou le choléra: ne pas être représenté ou être une succession de clichées.

6. Le Ownvoice et les sensitive readers

Le Ownvoice était un moyen d'avoir la chance de voir publié des écrits qui traitaient nos personnes comme des être humains à part entière. Là, où le bât blesse, c'était pour les personnes LGBTQI+ qui aurait pu se sentir obligées de se outer (faire son coming-out non consenti) sans qu'elles le désirent réellement ou sans qu'elles n'aient le soutien ou soient en sécurité. 
Les sensitive readers sont aussi un moyen d'éviter dans certains écueils sans pour autant être une garantie absolue. Un sensitive reader a sa propre vision, son propre vécu et son propre chemin. Deux personnes d'une même communauté n'ont pas exactement la même manière de voir. 

Il faut voir comme un événement est, souvent, perçu de manière radicalement opposée. 

Ce sont des outils qui sont biens dans un premier temps mais qui ne suffisent pas.  

 

Elodie-Aude est une lectrice et une professionnelle engagée. Elle soulève un certain nombre de points très importants dans son manifeste. Il pourra être une excellente piste de réflexions pour mettre un coup de pied dans la fourmilière littéraire. 
Nous existons, nous écrivons, nous lisons. 

Je vous conseille vivement de le lire! 


Liens:

 

George Floyd - Wikipédia

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre. George Floyd, de son nom complet George Perry Floyd Jr., né le à Fayetteville dans l' État de Caroline du Nord, est un afro-américain, mort lors de son arrestation par la police le à Minneapolis, dans l' État du Minnesota, lors de laquelle un policier, Derek Chauvin, le maintient menotté et en plaquage ventral avec son genou sur sa nuque durant plus de huit minutes.

http://wikipedia.org



Sur les tokens: 

Diversité: toujours les mêmes?

Accueil " Inspiration " Diversité: toujours les mêmes? Inspiration Avez-vous déjà remarqué que ce sont souvent les mêmes personnes dites de la diversité qui sont partout? C'est ce qu'on appelle le "tokénisme", un terme emprunté à l'anglais pour définir l'inclusion superficielle d'une minorité ou d'une personne sous-représentée pour se donner bonne figure.

https://journalmetro.com

 

Et Sometimes she writes parle du problème ownvoice  sur youtube. Allez voir.  

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